Un projet inquiétant : La suppression du 2ème registre de l’état civil
Le 31 juillet dernier, le Gouvernement a fait enregistrer à la Présidence du Sénat, un projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle. A la lecture de l’article 18, nous sommes abasourdis de constater qu’il prévoit, purement et simplement, la suppression du deuxième registre de l’état civil
En voici le texte :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Il est rétabli un article 40 ainsi rédigé :
« Art. 40. - Les actes de l'état civil sont établis sur support papier et sont inscrits, dans chaque commune, sur un ou plusieurs registres tenus en double exemplaire.
« Lorsqu'elles ont mis en oeuvre des traitements automatisés des données de l'état civil les communes s'assurent de leurs conditions de sécurité. Les caractéristiques techniques des traitements mis en oeuvre pour conserver ces données sont fixées par décret.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les communes dont les traitements automatisés de données de l'état civil répondent à des conditions et des caractéristiques techniques fixées par décret sont dispensées de l'obligation d'établir un second exemplaire des actes de l'état civil.
« La dispense prévue à l'alinéa précédent est applicable aux actes de l'état civil établis par le ministère des affaires étrangères. » ;
Sous prétexte de simplification et d’économie, on va mettre fin à une règle séculaire qui a fait ses preuves. Le passé est pourtant riche d’enseignement. Faut-il rappeler l’épisode de la Commune et les incendies qui ont suivi, causant la destruction des deux collections ? Faut-il rappeler combien la reconstitution de l’état civil parisien a été longue, imparfaite et coûteuse ? Faut-il rappeler que, suite aux deux guerres mondiales, les deux collections communales et départementales ont disparu pour de nombreuses communes ? On a la mémoire bien courte dans notre pays.
Le traitement automatisé annoncé justifiant la disparition du second exemplaire peut-il être reçu ? La réponse ne peut qu’être négative. En effet, on ne peut être à l’abri d’une mauvaise manipulation informatique qui fera disparaître le traitement informatisé, d’un incendie des bâtiments dans lequel se trouvent l’original papier et le support informatique. Par ailleurs, les traitements informatisés sont soumis aux aléas des évolutions technologiques et de la nécessité de faire des transferts. Peut-on être sûr qu’ils seront toujours effectués dans cinquante, cent ans ou plus ? Si les transferts ne sont pas faits, aura-t-on conservé les machines pour lire lesdits traitements ? Qui peut répondre avec certitude à ces questions ? Ne soyons pas aveuglé par la modernité des traitements informatisés et de leur conservation dans le temps.
A-t-on réfléchi aux coûts de reconstitution d’état civil des personnes en cas de disparition du registre papier et du traitement automatisé ? Ce coût sera bien supérieur au gain espéré par ce qui apparait comme des économies de bout de chandelle.
Les objectifs poursuivis par cette réforme sont la modernisation de la gestion de l’état civil et l’allègement de la charge des officiers de l’état civil et des greffes. Personne ne peut être contre la modernisation de la gestion de l’état civil et le bon encadrement du traitement automatisé des données, mais cela ne peut se faire aux dépens de la sécurité. On ne voit pas en quoi la charge de travail pour les officiers de l’état civil va être vraiment diminuée, s’il imprime un acte au lieu de deux. Quant au coût, ce ne sont pas quelques ramettes de papier économisées dans les grandes villes qui vont changer la face du monde, ni quelques reliures de moins à faire en fin d’année. Ce sont les relieurs qui vont surtout en faire les frais ! Quant au Greffe des tribunaux, si c’est une charge trop importante pour eux de stocker ce deuxième exemplaire, pourquoi n’irait-il pas directement dans les services d’archives, puisque depuis 1989, ils ne reçoivent plus les mentions ?
Tout cela pour gagner cinq cent mille euros dans l’année, d’après l’étude d’impact !
Tout cela alors qu’il y a tant d’aléas dans la vie des documents, tant de risques induits que l’on minimise systématiquement.
Tout cela pour mettre à mal l’ossature de l’état civil français, qui jusqu’à ce jour était certainement le plus beau au monde et celui qui avait servi de modèle à beaucoup de pays !
Dans soixante-quinze ans, nos actes de l’état civil à venir ne seront donc plus consultables dans les services d’archives et seront donc dispersés dans toutes les communes. On casse la centralisation d’un système, dans les services départementaux d’archives, qui a fait ses preuves.
Voilà une loi, qui est dans l’immédiateté, qui croit à la pérennité de l’archives numérique et qui ne se pose pas la véritable question du futur de l’archive des documents d’état civil et de sa conservation dans le temps long.
Généalogistes, il faut réagir !
Nous allons vous proposer de signer une pétition dans les jours à venir et d’alerter vos députés et sénateurs.
Montrons notre détermination pour faire échec à ce projet.
J F PELLAN,
président de la FFG
L’article 18 du projet de loi pourra être lu à l’adresse suivante :
http://www.senat.fr/leg/pjl14-661.html
et son impact à la suivante : http://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl14-661-ei/pjl14-661-ei.html