Rencontre avec Laëtitia Brasseur – Hérade – Patrimoine documentaire
Nous avons rencontré, lors du Salon Alsacien de Généalogie à Châtenois (Bas-Rhin) le 10 septembre dernier, une archiviste indépendante à laquelle nous avons posé 3 questions.
1. Qui je suis ?
Je suis arrivée en Alsace au lendemain de mon baccalauréat littéraire. Mon objectif : devenir archiviste, et me rapprocher de l’Allemagne. Après mes études d’histoire en France et Allemagne, j’ai été archiviste en commune et en département pendant 16 ans. Ces expériences ont été extrêmement riches : la collecte et la valorisation d’archives privées, le contrôle des archives hospitalières, les projets franco-allemands,...
J’ai cependant eu envie de donner un nouvel élan à mon parcours professionnel, sans pour autant abandonner un métier-passion, et j’ai décidé de me lancer dans l’entrepreneuriat.
Je suis très attachée à la notion de service public, et je craignais de devoir mettre cette valeur au second plan en devenant entrepreneure. Mais j’ai rapidement découvert que c’est un préjugé : le privé n’empêche en rien de rendre service et d’accompagner les propriétaires d’archives dans la valorisation de leur patrimoine.
C’est en particulier grâce à la Coopérative d’activités et d’emploi qui m’accompagne que j’ai compris cela : en se serrant les coudes, on s’en sort mieux. Et faire partie d’une grande équipe pluridisciplinaire donne des idées et participe à la sensibilisation aux archives. Présenter son métier pendant un atelier « compta » qui regroupe des profs de yoga, des designers ou encore des paysagistes, c’est porter le message encore un peu plus loin. De cette façon, je conserve une autre valeur qui m’était chère : le partage avec un public absolument non-initié qui n’imagine pas être tellement concerné par le sujet, puisqu’on l’est finalement tous d’une manière ou d’une autre.
Mais la passion des archives ne se limite pas à mon temps professionnel : le réseau des sociétés d’histoire en Alsace est dense et on y trouve toujours son bonheur pour pratiquer les archives dans un cadre moins officiel.
2. Ce que je fais ?
J’ai eu la chance d’être formée à de multiples compétences lors de mes expériences professionnelles et personnelles : classement, paléographie, numérisation, valorisation et contact avec le public,…
Je ne souhaitais pas faire l’impasse sur l’une d’entre elle. Chacune avec leurs spécificités, elles se complètent et nourrissent mon savoir-faire et, finalement, partent du même point : se questionner sur la pertinence d’une information et sur son caractère potentiellement historique.
Aussi, mes prestations couvrent-elles un champ très vaste :
- la gestion documentaire (conseil et intervention) : le classement d’archives contemporaines ou anciennes de structures privées (entreprises, associations, professions libérales) et publiques, la mise en place de procédures d’archivage, la formation des équipes à des pratiques optimales. Il s’agit ici surtout d’éviter la boulimie d’informations et la conservation inutile de masses de documents. Pour rappel, de toute la documentation qu’on peut produire dans le cadre d’une activité personnelle ou professionnelle, seuls 10 à 20 % sont à conserver réellement, définitivement ou à moyen terme.
- la valorisation patrimoniale : le classement d’archives anciennes, la recherche historique pour la réalisation d’expositions ou de supports pédagogiques, la transcription et la traduction de textes manuscrits en allemand. En tant qu’historienne, je double mes compétences archivistiques d’un regard historique. Il n’est pas toujours aisé, ici, en Alsace, de traiter des archives anciennes, souvent rédigées en allemand. Par ailleurs, pour mieux les comprendre, il faut aussi connaître un minimum les pratiques archivistiques allemandes. J’ai suivi dans cette optique une formation à la Archivschule de Marburg.
3. Une anecdocte ?
Parfois, il ne faut vraiment pas aller bien loin pour faire des archives. Ma plus belle trouvaille se trouvait… sous mon plancher ! Nous avons acquis une maison alsacienne de 1549 qui nécessitait une importante remise à neuf, mais qui, heureusement, avait subi très peu de transformations pendant son histoire. Aussi, quand nous avons décroché le plancher du grenier pour le reposer de façon plus étanche, nous avons eu une surprise : plié en 8, coincé entre la planche et la poutre, un papier dont le grain me rappelait celui des documents que j’étais justement en train de traiter dans un fonds du XVI-XVIIe siècle… Une reconnaissance de dettes de 1677 sur papier filigrané ! Je ne sais si elle a été honorée, mais il doit y avoir prescription, maintenant !
Cette maison est pleine de traces plus archéologiques qu’archivistiques : des objets, mais aussi des inscriptions : un poème a été inscrit au crayon à papier dans la cage d’escalier en 1910 par « zwei Kameraden », et subsiste encore aujourd’hui. Ce sont des traces de vie qui obligent à se remettre en question : nous ne faisons qu’un passage dans ces murs.